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15 novembre 2014 6 15 /11 /novembre /2014 23:46

Parier sur l’intelligence


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Sujet terrible et délicat que celui qu’ont choisi Yael Rasooly et Yaara Goldring pour « la Maison près du lac » avec infiniment de subtilité et d’intelligence.

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« la Maison près du lac » | © Nir Shaanani

Programmée au Théâtre Nouvelle Génération, cette Maison près du lac est destinée aux plus de 14 ans. À juste titre, non tellement à cause du sujet (la vie des enfants juifs dans une ville allemande sous domination des nazis), mais en raison du traitement narratif et scénographique qui procède par ellipses et suppose un minimum de références historiques à cette période.

Au centre du plateau, un plancher carré de dimensions réduites restreint l’espace scénique comme est resserré l’espace vital des trois petites filles que leur maman a laissées là, enfermées, avec pour consigne de ne pas sortir, ni faire de bruit, ni se faire remarquer d’aucune manière. Trois chaises d’enfant comme celles du conte de Boucles d’or, une pour chacune, la grande, la moyenne et la petite. Et trois poupées, car elles sont encore très jeunes et ne s’en séparent pas. Mais le loup de cette histoire est infiniment diabolique.

Comment occupe-t-on son temps quand on est coupé d’un environnement extérieur hostile ? C’est la partie dominante du propos des deux metteuses en scène. On fait comme si l’on était dans une existence ordinaire, on révise son piano, on s’entraîne à la barre pour la danse, on fait ses devoirs, et tout cela avec une remarquable régularité qui vous empêche de devenir fou, ponctuée par une sonnerie comme à l’école. Et puis on joue et on se chamaille… La vie quotidienne et l’enfance la plus normale du monde, en somme. Et quand on a trop peur, par exemple lorsqu’on (qui ?) frappe à la porte ou que résonnent des bruits de botte ou des chants nazis, on s’invente des histoires de petites filles avec princesse et prince charmant dans une maison près d’un grand lac… L’ennemi n’est jamais montré, seulement entendu, et ces ellipses pudiques qui tiennent l’horreur et l’émotion qu’elles génèrent à distance, jouent sur la connivence et renforcent la dimension dramatique. Une version théâtrale du Journal d’Anne Franck, auquel on ne peut pas ne pas penser.

La mise en scène est inventive

La mise en scène est inventive et procède par petites touches : les poupées se disloquent et deviennent marionnettes vivantes dans les mains des trois comédiennes au point que parfois on ne sait plus qui est qui. La musique représente une dimension essentielle de cette histoire contée en chansons, dont les paroles oscillent entre l’allemand, le français et l’anglais. On ne comprend pas tout, mais c’est ainsi qu’on apprend que la mère est partie. Les enfants jouent du violon, du piano et du violoncelle : c’est la culture qu’on a enfermée dans ces quelques mètres carrés. Quelques scènes soulignent cependant le danger, comme lorsque la plus jeune des sœurs, pour faire rentrer l’air et… les bruits des soldats qui ont envahi la rue, ouvre des volets que la sœur aînée va fermement refermer.

La deuxième partie de la pièce, plus courte, suggère le pire : les petites filles vont être extirpées sans ménagement de leur prison. Désormais, ce seront les trains, les camps, les brutalités, la mort. Seule une des enfants sera sauvée (et encore, de quelle horrible manière !), sans doute à cause de sa voix, merveilleuse, et c’est dans un cabaret qu’elle met en notes sa douloureuse histoire. Pas d’images chocs, seulement des bruits, des portes qui claquent, et deux petites filles qui dorénavant nous tournent le dos. Loin d’édulcorer ces sombres années, la Maison près du lac sonne juste et prend le jeune public pour des personnes intelligentes et sensibles, aptes à entendre les vérités, fussent-elles terrifiantes, et à apprécier la grande beauté d’un spectacle, fût-il exigeant. Il eût été facile de faire de la surenchère, de la pédagogie à tout prix. Rien de tout cela ici : le rythme est lent, tout pathos est exclu. L’émotion et la tristesse plongent dans un silence respectueux des classes d’adolescents pourtant bougons au départ et dont l’attention n’était pas gagnée d’avance. 

Trina Mounier


La Maison près du lac, cabaret musical pour actrices, marionnettes et objets de Yael Rasooly et Yaara Goldring

Mise en scène : Yael Rasooly et Yaara Goldring

Cocréateurs : Edna Blilious, Rinat Sterenberg

Jeu : Maya Kindler, Michal Vaknin, Yael Rasooly

Scénographie et costumes : Pierre-François Limbosch

Création marionnettes et objets : Maayan Resnick, assisté de Noa Abend

Compositeur et parolier : Nadav Wiesel

Création sonore : Binya Reches

Création lumières : Asi Gottesman

Assistant metteur en scène : Michal Vaknin

Regard extérieur : Yeal Inbar

La Maison près du lac est une production de Hazira Performance Art Arena de Jérusalem

La diffusion du spectacle se fait grâce au soutien de Mifal Hapais

Création au Acco Festival of Alternative Israeli Theater en 2010

Prix de la Meilleure Création scénographique, costumes, marionnettes, objets et lumières

Partenaires de la recréation : Théâtre Nouvelle Génération / C.D.N. de Lyon, maison des Arts de Thonon-les-Bains, Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec, espace Germinal à Fosse et Théâtre Romain-Rolland de Villejuif

Avec le soutien du Théâtre Jean-Arp de Clamart

Diffusion : Blah Blah Production

Plus d’infos : www.yaelrasooly.com

T.N.G. • 23, rue de Bourgogne • 69009 Lyon

Métro Valmy

Réservations : 04 72 53 15 415

www.tng-lyon.fr

Jeudi 13 et vendredi 14 novembre 2014 à 14 h 30, samedi 15 à 20 heures et dimanche 16 à 16 heures

Durée : 1 heure

Pour plus de 14 ans

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13 novembre 2014 4 13 /11 /novembre /2014 22:42

Les bons sentiments
ne font pas le bon théâtre


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


En plein quartier vietnamien, L’Élysée accueille « Vietnam, etc. », la création d’une toute jeune compagnie, un travail rempli de sincérité, d’émotion et d’enthousiasme, mais encore un peu « jeune ».

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« Vietnam, etc. » | © Rose-Marie Loisy, Indelebile Photographe

Voici un titre qui annonce fièrement son sujet : il y sera question du Vietnam mais surtout de cet etc., mélange d’idées reçues, de clichés et de bribes de souvenirs qui traînent en tout un chacun : la guerre du Vietnam, l’Indochine colonie française, le nuoc‑mâm, les chapeaux pointus dans les rizières, Diên Biên Phu, My Lai… dans le désordre. D’autant plus que ce petit pays est souvent confondu avec son puissant voisin, la Chine.

Le spectacle commence dans le hall du théâtre où pénètre un dragon magnifique. Encore une image d’Épinal : fête du Têt ? Un des comédiens se met alors à pousser la chansonnette avec accords de guitare plus ou moins dissonants. Mais n’est pas musicien qui veut, et la pièce va ainsi peiner à débuter, de dialogues confus, parfois inaudibles, en évocations du Vietnam immémorial : après le dragon, l’hôtel des ancêtres avec offrandes et les oiseaux en cage.

Les rappels des scènes les plus tristes et emblématiques de la guerre du Vietnam sont sans doute les plus abouties : l’émotion des jeunes interprètes est palpable, leur respect devant le courage de ce petit peuple qui ne ploie pas face à l’envahisseur américain, leur colère aussi… Mais les bons sentiments ne font pas le bon théâtre, et le désir de prouver que ce pays se cache, bien différent, derrière ces images toutes faites, fussent-elles glorieuses et terrifiantes, ne suffit pas à convaincre. L’ensemble n’est pas assez écrit, manque de fil conducteur et de tenue.

Pourtant, on ne s’ennuie pas, on est même entraîné parfois par ce qu’on sent d’authentique dans ce Vietnam, etc. Le travail sur les lumières et l’utilisation de la vidéo sont souvent intéressants, certaines scènes sont vraiment réussies et quelques moments de grâce émergent çà et là.

En un mot, ce petit spectacle mériterait d’être resserré, fignolé, débarrassé de quelques facilités inutiles et concentré sur ce que veut vraiment dire la jeune Elsa Rocher et qui n’apparaît pas clairement. Même si on se doute bien qu’à travers cette histoire brouillonne, c’est de quelque chose de plus intime qu’elle entend nous parler. 

Trina Mounier


Vietnam, etc., d’Elsa Rocher

Mise en scène : Elsa Rocher, assistée de Romain Ozanon

Avec : Marion Aeschlimann, Guillaume Arcuset, Ewen Gloanec et François‑Xavier Phan

Créateur lumières et régie : Jérémy Nicolas

Décor : Lisa Pol

Vidéo : Julien Bernard

Soutien : Ville de Lyon / bourse ProdiJ et région Rhône-Alpes

L’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

Métro et tramway : Guillotière

Réservations : 04 78 58 88 25

www.lelysee.com

Les 7 et 8 novembre 2014 et du 11 au 14 novembre à 19 h 30

Durée : 1 h 40

35 € | 31 € | 20 € | 18 € | 17 € | 15 € | 10 € | 9 €

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 23:52

Le monde à l’envers


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Ce « labyrinthe sensoriel » que présentent Les Ateliers est intéressant à plus d’un titre. Spectacle invité par la nouvelle codirectrice du théâtre et du T.N.G., Céline Le Roux, initiatrice aussi du festival des arts immersifs Micro Mondes, c’est leur première proposition pour le jeune public. Il préfigure de ce fait les futures orientations de la programmation.

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« La meilleure façon de trouver, c’est de se perdre » | © D.R.

Un mot d’introduction : il ne s’agit pas ici véritablement de théâtre, mais bien, comme indiqué sur la plaquette, d’un atelier de création suivi d’un parcours sensoriel… Le projet, conçu pour un tout petit nombre de jeunes participants (chaque groupe est composé d’un maximum de 14 personnes, lui-même scindé en minigroupes de 4), tient davantage d’une déambulation de découverte comme cela peut se pratiquer dans certains musées, d’arts plastiques notamment. Il est question d’apprendre à voir autrement, de renverser les représentations habituelles en plaçant le jeune spectateur (et l’adulte éventuel qui accepte ce retour vers l’enfance) dans une situation où ses repères traditionnels vacillent.

Lorsqu’un des comédiens vient nous chercher, il nous propose, sur le ton de la confidence et réclamant la plus grande discrétion, une visite dans une ville souterraine inconnue. Et le voilà parti, tel le joueur de flûte de Hamelin, suivi de sa bande de curieux éveillés.

Passeport pour l’imaginaire

Puis, 80 % de nos informations nous arrivant par le canal oculaire, Enrique Vargas le dramaturge décide de nous priver de ce sens envahissant, d’abord en nous bandant les yeux. C’est donc par le toucher que le monde s’offre à nous et à tâtons que nous avançons dans le labyrinthe. L’expérience n’a rien à voir avec un quelconque train fantôme : au contraire, une main rassurante nous guide sans cesse, éloignant toute inquiétude. Nous voici libres de ressentir des émotions, d’écouter les bruits, de tâter du fluide, du liquide, du sable, du visqueux, jamais perdus cependant…

Ceci n’est qu’un avant-goût de la confrontation suivante qui va nous faire observer le monde à l’envers, constater combien il est étrange et beau, marcher dans les nuages, tomber au fond d’un puits… Là réside sans doute la partie la plus extraordinaire de ce parcours dont il n’est pas question de dévoiler le secret. Car, bien sûr, cela repose sur une manipulation très simple mais très efficace qui nous conduit dans des univers mystérieux faits d’objets familiers pourtant reconnaissables, un fatras de parapluies, berceaux d’enfants, vieux cadres comme animés d’une autre vie, vivant dans un autre espace, à moins que nous-mêmes ne nous trouvions ailleurs dans une ville souterraine qui serait l’image en miroir de nos souvenirs, un endroit qui n’existerait que pour nos sens, nos sentidos… 

Trina Mounier


La meilleure façon de trouver, c’est de se perdre, d’Enrique Vargas

Atelier de création jeune public pour 14 habitants, création d’un labyrinthe sensoriel pour les enfants

Dramaturgie : Enrique Vargas

Atelier conduit par : Francisco Javier Garcia, Stéphane Laidet, Patricia Menichelli

Project manager – Organisation : Claudio Ponzana

Production : Micro Mondes

Avec les participants de l’atelier : Gabriella Aranguiz, Maud Aubert, Cécile Bellat, Leila Brahimi, Guillemine Burin des Roziers, Esther Gaumont, Cynelle Gedin, Nathalie Gillet, Gabrielle Jeru, Adèle Lloret Linares, Sophie Mère, David Meslet, Gala Ognibene, Miranda Salinger

Production : Union européenne programme Culture, Réseau européen Bamboo, Micro Mondes, Théâtre Les Ateliers, Teatro de los Sentidos, Generalitat de Catalunya – departament de cultura, Ajuntament de Barcelona, I.N.A.E.M.

Théâtre Les Ateliers • 5, rue du Petit-David • 69002 Lyon

Réservations : 04 78 37 46 30

www.t-la.org

Jeudi 6 et vendredi 7 novembre 2014, représentations à 9 h 15 et 14 h 15

Samedi 8 novembre 2014 : représentations de 16 heures à 18 h 20 (départs toutes les 20 minutes)

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 18:04

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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 21:03

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21 octobre 2014 2 21 /10 /octobre /2014 18:23

Wagner anticapitaliste !


Par Michel Dieuaide

Les Trois Coups.com


Avec Alex Ollé comme skipper et ses coéquipiers de La Fura dels Baus à bord, et au gouvernail Kazuhsi Ono, l’Opéra de Lyon lance sur les flots une version hallucinante et bouleversante du « Vaisseau fantôme » de Richard Wagner. Une relecture saisissante d’une des premières œuvres du compositeur allemand qui aborde aux rivages de notre monde contemporain.

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« le Vaisseau fantôme » | © Jean-Louis Fernandez

Sans trahir la légende du Hollandais volant que Richard Wagner découvrit dans un texte du poète Heinrich Heine, le spectacle d’aujourd’hui transporte l’histoire et les personnages à Chittagong, mégalopole portuaire du Bangladesh. Deux navires, l’un visible, celui du capitaine Daland, l’autre masqué par le brouillard, celui du Hollandais volant, sont amarrés après avoir traversé une violente tempête. Sombre paysage de dunes escarpées, impressionnante présence d’une proue, apparition progressive de structures métalliques signifiant que tout en ce lieu est désossé au profit d’armateurs cupides. C’est sur cette zone inhospitalière que se rencontrent et s’affrontent les six protagonistes de l’opéra.

Pour le Hollandais (Simon Neal, baryton), après sept années passées à chercher la mort sur les océans, l’heure est venue de tenter d’échapper à son tourment éternel. Condition, selon la prédiction d’un ange : qu’il épouse une femme qui lui jurera fidélité. Mis en rapport par le pilote (Luc Robert, ténor) avec le capitaine Daland (Falk Struckmann, basse), le Hollandais se trouve confronté à un cynique négrier que le démantèlement des carcasses de bateaux enrichit. En le corrompant avec des bijoux et de l’argent, il obtient que l’entrepreneur véreux lui promette sa fille en mariage. Senta (Magdalena Anna Hofmann, soprano), la jeune femme, bien que fiancée à Erik (Tomislav Muzek, ténor) et malgré les remontrances de sa nourrice (Ève-Maud Hubeaux, mezzo-soprano) s’enferme peu à peu dans le désir d’incarner celle qui par loyauté absolue assurera la rédemption du Hollandais…

Régénération

À partir de cette histoire, tout en conservant la simplicité de la légende originelle, Alex Ollé se délivre pour le meilleur de la binarité d’un livret qui martèle les oppositions traditionnelles primaires entre le bien et le mal, la vie et la mort, le réel et l’au-delà, le châtiment et le rachat d’un salut. Par ses choix dramaturgiques et scénographiques, il actualise avec une incroyable force l’opéra de Wagner. Donnons seulement trois exemples de cette extraordinaire lecture moderne du Vaisseau fantôme.

Le capitaine Daland et le Hollandais apparaissent comme les deux visages d’un même personnage. Le premier, bien que marin, a les pieds sur terre. Patron brutal et séducteur, il marchande le mariage de sa fille comme il exploite ceux qui travaillent pour lui. Le second, de retour des limbes, use de l’attrait de la fortune qu’il a amassée pour obtenir la main de Senta. Son vaisseau fantôme abrite des richesses accumulées grâce au labeur de soutiers exténués, enchaînés aux vagabondages de son propre destin. Double et provocante image que celle de deux hommes qui, pour aller jusqu’au bout de leur puissance, font de tous leurs semblables des esclaves. Vient ensuite l’interprétation de la figure de Senta, jeune femme pathétique que sa culture aliène. Sa dévotion à l’histoire du Hollandais volant que lui contait sa nourrice confine à la névrose. Incapable de se débarrasser du livre où est présent le portrait du marin errant, elle s’y agrippe comme à un ex-voto. Son parcours désastreux unit la candeur excessive de la foi aux ravages d’une spiritualité délirante.

N’est-ce pas là une interrogation récurrente qui secoue de nombreuses sociétés contemporaines ? Citons enfin le traitement théâtral du chœur des filles et de celui des matelots. Bannissant tout folklore, des scènes joyeuses ou terribles rendent justice et dignité aux damnés de la terre. Fabrication d’objets artisanaux pour touristes, récupération de vieux métaux, transport à dos d’homme de lourdes charges, nourriture et alcool servis comme une aumône patronale illustrent l’asservissement des millions de personnes qui édifient la fortune des puissants à travers le monde. On voit même des femmes s’emparer du drapeau rouge lorsque Senta s’enroule dans la moitié du pavillon du Hollandais aux couleurs noir et rouge.

Point d’orgue

Ce Vaisseau fantôme est une impressionnante réussite musicale, vocale, théâtrale, scénographique et technique. Sans exception, le directeur musical, le metteur en scène et ses collaborateurs pour les décors, les costumes, les lumières et la vidéo, les six solistes, les musiciens, les chœurs et leur chef et l’équipe des techniciens font de cette production un spectacle qui fera date. Un immense bravo à Serge Dorny et à l’ensemble de l’Opéra de Lyon pour cette formidable ouverture de saison. 

Michel Dieuaide


Le Vaisseau fantôme, livret et musique de Richard Wagner

Direction musicale : Kazushi Ono

Mise en scène : Alex Ollé / La Fura dels Baus

Avec : Simon Neal, Falk Struckmann, Magdalena Anna Hofmann, Tomislav Muzek, Luc Robert, Ève-Maud Hubeaux

Décors : Alfons Flores

Costumes : Josep Abril

Lumières : Urs Schönebaum

Chef des chœurs : Alan Woodbridge

Orchestre et chœurs de l’Opéra de Lyon

Équipes techniques de l’Opéra de Lyon

Production : Opéra de Lyon

Coproduction : Opera Australia, Opéra de Bergen, Opéra de Lille

Opéra de Lyon • place de la Comédie • 69001 Lyon

www.opera-lyon.com

Tél. 04 69 85 54 54

Contact : billeterie@opera-lyon.com et contact@opera-lyon.com

Représentations : les 11, 13, 15, 17, 22, 24 octobre 2014 à 20 heures, les 19 et 26 octobre 2014 à 16 heures

Durée : 2 h 20

Tarifs : de 75 € à 10 €

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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 19:08

Piège textuel


Par Michel Dieuaide

Les Trois Coups.com


Antonella Amirante, metteuse en scène de la compagnie AnteprimA, présente au T.N.P à Villeurbanne « Arrange-toi », un texte de l’auteur italien Saverio La Ruina, traduit par Federica Martucci et Amandine Mélan. Cette réalisation sous forme de théâtre-récit se veut une contribution universelle à la cause des femmes. Au regard de la représentation, et malgré la force du contenu, le spectacle se referme comme un piège sur son public et sur ses interprètes.

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« Arrange-toi » | © D.R.

Voici ce que raconte Arrange-toi, un monologue au titre impératif et cruel. Dans la Calabre reculée d’il y a quelques décennies, Vittoria, femme simple et croyante, vit dans un petit village. Depuis son adolescence, elle subit les regards des hommes, plus machistes les uns que les autres. Vendue plutôt que mariée par ses parents à un rustre de vingt ans son aîné au physique monstrueux, elle a déjà sept enfants à l’âge de vingt-huit ans. Enceinte une huitième fois, elle décide d’avorter clandestinement. Bien des années plus tard, devenue grand-mère, elle accompagne jusqu’à Milan sa petite-fille pour une interruption de grossesse autorisée qui fait remonter à sa mémoire son calvaire passé.

Pour que l’indispensable parole de son personnage soit entendue, la metteuse en scène choisit, ce qui paraît logique sur le fond, d’actualiser la forme esthétique de la représentation. Scénographie au design chic et contemporain, robe estivale et colorée pour l’actrice, sobriété de bon ton des moyens techniques. L’ennui, c’est que le texte écrit dans un parler populaire renvoie à un milieu rural pauvre d’il y a une quarantaine d’années.

Premier élément du piège malgré l’insertion de langues vernaculaires : les mots prononcés par la comédienne n’ont pas l’air de lui appartenir et, du coup, même si l’œuvre est explicite, son impact s’en trouve affaibli. L’interprétation réduit l’actrice à un rôle de porte-voix et son apparence est si décalée par rapport au contenu qu’il ne nous reste qu’à rejoindre l’assemblée des spectateurs convaincus d’avance. En clair, le mode de mise en théâtre semble inapproprié tant l’écart est grand entre le propos abordé et la forme adoptée. En outre, on est en droit d’être surpris par le choix d’un texte discutable. Longue litanie documentaire, à peine traversée par des composants comiques, grotesques ou absurdes, on se prend à regretter que l’auteur qui est compatriote de Dario Fo et Franca Rame n’ait pas su retrouver toute la richesse de l’art de la jonglerie. On se demande aussi comment Antonella Amirante et Christian Schiaretti, lui-même si exigeant d’habitude dans ses préférences littéraires, ont pu s’accorder sur une telle œuvre. Après le handicap et la maladie d’Alzheimer et cette fois-ci la condition féminine et la parité, y aurait-il nécessité institutionnelle à traiter les sujets dans l’air du temps ?

Mission impossible

Deuxième élément du piège : l’attirance assez fréquente aujourd’hui pour le théâtre-récit. Arrange-toi ne propose aucune situation dramatique. La parole s’épuise dans son propre écoulement. On est profondément d’accord avec le message… Et puis quoi ? L’interprète se trouve rapidement noyée à devoir en même temps se montrer solidaire des combats des femmes, jouer tous les âges de la vie, s’impliquer, mais pas trop, par souci de distance, utiliser l’adresse aux spectateurs sans paraître leur faire la leçon. Mission impossible tant les indications semblent avoir manqué à la très belle et très généreuse Federica Martucci. Son ersatz de personnage flotte, erre et s’ennuie.

Troisième élément du piège : la quête inaboutie de l’universalité. Le texte, encore lui, enferme dans ses mâchoires le tragique destin de Vittoria. Peu de rage, peu d’humour, quelques doutes de dévote ne permettent pas au spectacle de s’élever au-dessus d’une litanie de petits faits vrais. Et ce ne sont pas, en contrepoint, les pâles apparitions d’une chanteuse a capella qui rehaussent le propos. Plates images d’un symbolisme primaire, chants doucereux qui sonnent mièvrement, fade représentation d’une nouvelle génération de femmes.

Je viens de voir Mon traître de Sorj Chalandon, trois monologues de théâtre-récit magistralement mis en scène par Emmanuel Meirieu. Peut-être un exemple à méditer pour Antonella Amirante. À moins qu’elle n’oublie prochainement Arrange-toi et qu’elle n’emploie son talent, modeste suggestion, au service d’une nouvelle œuvre italienne. Je pense à Lampedusa Beach de Lina Prosa, monologue théâtral riche en situations et en émotions, porteur de jeu pour une comédienne, chargé d’un contenu particulier et universel, poème épique d’une énergie contagieuse. 

Michel Dieuaide


Arrange-toi, de Saverio La Ruina

Traduction de Federica Martucci et Amandine Melan

Un spectacle de la compagnie AnteprimA

Contact diffusion : cie-anteprima@gmail.com

www.cie-anteprima.com

Mise en scène : Antonella Amirante

Avec : Federica Martucci, texte

Solea Garcia-Fons, chant a capella

Lumière : Julien Dubuc

Scénographie, costume : Elsa Belenguier

Régisseur général : Frédéric Dugied

Régisseur de scène : Thomas Gondouin

Régisseur lumière : Agnès Envain

Électriciens : Laurent Delval, Jean-Christophe Guigue

Régisseur son : Pierre-Alain Vernette

Administration de production : Frédérique Yaghian

Coproduction : Théâtre national populaire, Théâtre de Vienne, espace Albert‑Camus

Avec le soutien de : Gare franche / Cosmos Kolej, Groupe des 20 Rhône‑Alpes, S.P.E.D.I.D.A.M.

Arrange-toi a été traduit avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez

Théâtre national populaire • 8, place Lazare-Goujon • Villeurbanne cedex

www.tnp-villeurbanne.com

Tél. 04 78 03 30 00

Représentations : du 14 au 25 octobre 2014 à 20 h 30

Durée : 1 h 20

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18 octobre 2014 6 18 /10 /octobre /2014 16:36

La danse de la veuve noire


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Dans un tout petit théâtre au nom étrange, L’Uchronie, qui vient d’ouvrir à Lyon à deux pas de L’Élysée, Valentin Traversi nous transporte dans l’univers absurde et noir de l’auteur belge Paul Emond, offrant par la même occasion à Karin Martin‑Prevel un rôle à sa mesure…

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« Tête à tête » | © Denis Rion

C’est en effet une performance à laquelle se livre cette comédienne (que l’on sait excellente), seule en scène pendant une heure de rang. Seule ? Pas tout à fait, car dans cette chambre d’hôpital un corps presque immobile, celui de son mari, est allongé. Il sera tour à tour son confident, son spectateur et surtout son souffre-douleur muet. Il la suit des yeux, parfois s’en détourne pour se recroqueviller sous les draps, mais le public ne verra son regard qu’à la fin. Une fois aussi, il se lèvera pour sortir de la pièce et y revenir peu après. Bizarre : il marche, donc, mais ne dit mot. Et à quoi sert le fauteuil roulant non loin ? Pourquoi ? L’auteur nous met sur la piste d’une amnésie… Il nous parle d’un accident de voiture…

Mais ceci n’explique pas les contradictions présentes dès le décor. Tout est blanc dans cette salle, y compris la blouse que porte la femme qui, face à nous et le sourire aux lèvres, essuie le visage du malade avec brutalité. Le ton est donné. Celle qui se révélera être l’épouse de l’homme couché (elle va très rapidement quitter le costume) a tout de l’infirmière sadique, de la fausse bonne âme bien décidée à utiliser son pouvoir et à régler ses comptes. Commence alors une heure de réquisitoire contre celui qui lui a, dit-elle, volé sa vie, l’a humiliée, flouée, trompée, ce qui l’autorise, elle, dès lors, à se venger, à abuser d’une supériorité fort opportunément retrouvée grâce à cet accident qui lui livre dans un lit, désarmée, sa victime.

L’enfer du mariage

La mise en scène de Valentin Traversi n’écarte aucune piste, n’éclaircit aucune obscurité. On ne saura pas si cette Lucienne a bien tué sa rivale Liliane ou si elle l’a rêvé, de même qu’on ignore quelle part de comédie (ou de refus) se cache dans l’attitude de celui qui se tait. S’il est capable de se lever et de sortir seul, pourquoi ne se défend-il pas ? Pourquoi accepte-t-il d’être jeté sur le fauteuil roulant ? À quel degré participe-t-il à son propre étouffement ? Quelle culpabilité, quel masochisme le hante-il ? À moins qu’il n’ait capitulé définitivement… Le metteur en scène laisse ouvert le texte, en démontrant au passage la subtilité.

Quant au jeu de Karin Martin-Prevel, il est éblouissant. Elle parle, parle, parle sans cesse, maîtrisant parfaitement cette logorrhée haineuse parfois interrompue un instant par quelques pas de danse. Habillée de noir comme une veuve, toute-puissante, elle a tout de la mante religieuse. Son visage passe de la séduction à la grimace, dit le froid calcul, la rancune tenace, la folie d’une parole qui tourne en rond parce que rien ne l’arrête.

Voici assurément un beau spectacle qui permet de découvrir un auteur proche d’un Ionesco. 

Trina Mounier


Tête à tête, de Paul Emond

Cie Traverses • 320, avenue Berthelot • 69008 Lyon

04 75 88 26 08 • 06 82 10 85 09

www.compagnietraverses.com

cietraverses@yahoo.fr

Mise en scène : Valentin Traversi

Interprétation : Karin Martin-Prevel, Valentin Traversi

Lumières : Clément Patard

Théâtre de l’Uchronie • 19, rue de Marseille • 69007 Lyon

Réservations : 04 37 65 81 61

www.theatredeluchronie.fr

Les 15, 16 et 17 octobre 2014 à 20 h 30, le 18 octobre à 17 heures et 20 h 30

Durée : 1 heure

14 € | 9 €

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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 15:58

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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 18:59

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